DPE: l’impact sur les prix de l’immobilier va se renforcer
Le DPE (diagnostic de performances énergétiques), c’est si lent et si rapide. Les obligations de faire figurer ce document remontent à 2006 pour les logements en vente et 2007 pour les logements en location... Et elle doit figurer dans toutes les petites annonces depuis 2011. Il faut bien reconnaître que l’application de ces règles a été longue à rentrer dans les mœurs mais la récente loi Climat et résilience avec son interdiction de mise en location des passoires thermiques est en train de faire bouger les choses. Découvrez en trois points comment le marché évolue et à quel point ce ne sont que des balbutiements.
1. Des mises en ventes de passoires qui augmentent... pour de multiples raisons
Tous les professionnels notent depuis des mois une hausse sensible du nombre de passoires thermiques mises en vente. Les plus allergiques à la rénovation thermique en ont profité pour en déduire que ces ventes traduisaient un vent de panique chez les propriétaires bailleurs pressés de vendre car effrayés et débordés par les nouvelles législations à venir. La vérité est plus nuancée. Le portail immobilier SeLoger, qui vient de publier une étude sur le sujet montre ainsi que les passoires thermiques pèsent désormais près de 20% du stock de biens en vente (19,2% exactement), soit près du double de ce que l’on observait en 2020 (11,2%).
Pourtant comme le rappelle Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Se Loger: «Il est important de noter que le nouveau mode de calcul et le DPE opposable ont contribué à cette augmentation.» Et s’il y a incontestablement des propriétaires bailleurs qui vendent des passoires car ils ne peuvent plus les louer, le phénomène concerne tous les types d’utilisation. Sur la base d’une étude Opinionway réalisée pour le portail auprès de 5000 Français, il ressort que 50% des propriétaires de résidence secondaire ont évoqué un mauvais DPE parmi les motifs de mise en vente (contre 31% des vendeurs de résidence principale). «Cela tient globalement à une anticipation de perte de valeur, estime Thomas Lefebvre. Il y a l’impact de la crise énergétique, l’absence d’aide pour la rénovation de résidences secondaires et l’idée que les conditions de marché devraient se dégrader à l’avenir pour ce type de bien.»
À noter: la tension du marché semble avoir un impact fort sur la vente ou non de passoires thermiques. À Paris, dans un marché orienté à la baisse avec des stocks d’offre qui se reconstituent, SeLoger décompte quatre fois plus de passoires en vente qu’en juillet 2021 pour dépasser sensiblement le tiers du total des biens en vente (37%). A contrario, du côté de Marseille où le marché reste très actif, ces mêmes passoires ne pèsent que 4% du stock des biens en vente car tout part rapidement.
2. Prix en baisse et tentation de la négociation... mais pas à la hauteur des coûts de rénovation
Les nouvelles contraintes liées au DPE qui vont aller croissant commencent également à avoir un impact sur les prix. Selon le sondage Opinionway 79% des vendeurs de résidence principale et 57% de ceux qui cèdent un investissement locatif se déclarent prêts à baisser leur prix en cas de mauvaises performances énergétiques et 40% des futurs acheteurs considèrent un mauvais DPE comme un levier de négociation.
SeLoger note que globalement les passoires sont proposées à la vente à un prix inférieur de 3,9% à un bien équivalent qui n’est pas énergivore. Et à celà s’ajoutent des marges de négociation plus agressives: -5,6% en moyenne contre -3,7% pour les biens d’autres classes (biens dont le prix a été négocié en 2022). Sur la France entière, les prix des passoires n’ont augmenté «que» de 3,7% depuis juillet 2021, contre deux fois plus pour le reste du marché. Et à Paris où les prix ont baissé en moyenne de 2,7% depuis juillet 2021, les tarifs des passoires ont reculé de 3,7%.
L’impact est donc réel et sensible mais pas à la hauteur des frais à engager pour une rénovation thermique en profondeur. Bon nombre de spécialistes évoquent des coûts de 1000 €/m² pour une isolation par l’intérieur avec tous les frais annexes, soit près de 10% du prix moyen de la capitale et bien plus ailleurs. Des éléments qui laissent à penser que les ajustements de prix seront plus importants à l’avenir si le coût de la rénovation reste effectivement aussi élevé.
3. Le DPE devient un critère de recherche... encore perfectible
Aboutissement logique du renforcement du rôle du DPE, celui-ci commence à devenir un critère de recherche important, aux côtés du budget ou de la surface. C’est ainsi que SeLoger vient d’en faire un critère de recherche en ligne, tout comme Leboncoin le fait depuis un an. Quant aux autres portails (y compris Le Figaro immobilier), cela reste en projet mais n’est pas encore accessible. Ce critère de recherche est-il efficace? Chez Se Loger, la directrice générale Caroline Evans de Gantès se félicite «car la classe DPE est désormais renseignée dans 83% des annonces, un chiffre en constante augmentation».
Même son de cloche chez Leboncoin où Aurélien Flament, directeur du marché immobilier précise: «cela continue de progresser, nous avons plus de 400.000 biens renseignés sur un total de 575.000». Il reconnaît qu’il reste un travail d’accompagnement à effectuer pour s’assurer que toutes les cases sont bien remplies. «Tout s’est digitalisé et s’est facilité mais l’étape du dépôt de l’annonce n’est pas toujours assez prise en considération, admet-il. Nous essayons d’accompagner les particuliers comme les professionnels sur ce point.» Car si les particuliers sont généralement pointés du doigt comme les mauvais élèves pour intégrer le DPE dans les ventes et les locations immobilières, les professionnels ne jouent pas toujours pleinement le jeu.
Pour s’en rendre compte, il suffit de rechercher des logements anciens classés A dans les principales métropoles. Ce type de bien est quasiment inexistant, or on trouve diverses réponses chez Leboncoin comme chez SeLoger. Dans la plupart des cas, la consommation énergétique est renseignée à 1kWh/m²/an. Pas très vraisemblable dans de l’haussmannien... Souvent la consommation réellement estimée dans le DPE figure bien dans le corps de l’annonce mais pas dans l’onglet consacré spécifiquement au DPE. Résultat: on ne peut pas encore en faire un critère classant pleinement efficace entre les DPE non renseignés et les mal remplis.
4. Une offre locative en baisse... avec un impact du DPE à relativiser
A n’en pas douter, la tension sur le marché locatif sera l’un des problèmes de l’année 2023. Là aussi, l’étude SeLoger note une nette baisse ces 6 derniers de la mise en location des passoires thermiques (rappelons que seules les G+ sont concernées par l’interdiction, les passoires F et G pouvant continuer à être louées). Mais si certaines passoires sortent effectivement du marché locatif par une mise en vente, les spécialistes s’accordent à reconnaître que la baisse d’offre est également liée au fait que les locataires restent plus longtemps en place. Avec la remontée des taux d’intérêt, certains candidats à l’achat ne sont plus finançables et restent donc locataires plus longtemps que prévu.
De son côté, le portail Bien’Ici relève lui aussi un net recul des biens F et G proposés à la location. L’offre locative générale recule ainsi de 2,4% dans la répartition location/vente mais ce recul est de 12,9% quand on se concentre sur les biens classés F et G (14% en Auvergne-Rhône-Alpes et même 16,1% en Île-de-France). Le phénomène est encore plus fort quand on se concentre sur les studios, typologie de biens très concernés par les passoires thermiques. Le recul est ici de 16,7%: dorénavant près d’une annonce sur deux concerne la vente contre moins de trois sur 10 en 2021 selon Bien’Ici.
Sources : Le Figaro Immobilier / Jean-Bernard Litzler